06 novembre 2008

« Non à la publicité politique »

Le Journal du Dimanche – 2 novembre 2008 – Extraits –
Franck LOUVRIER, Conseiller à la présidence de la République pour la communication et la presse

… Au terme de la campagne électorale américaine, Franck Louvrier, conseiller du président de la République, nous livre son analyse et se prononce sur le projet de Thierry Saussez, chef du service d’information du gouvernement, de créer une émission gouvernementale.

« … Pourrait-on imaginer, dans notre pays, un candidat ou un parti s’offrant 30 minutes d’antenne à une heure d’écoute sur nos plus grandes chaînes ? La publicité politique a-t-elle sa place en France ?
Dans notre démocratie française, il y a une première raison de principe de s’opposer à cette idée : notre paysage télévisuel est structuré par une distinction stricte entre ce qui est du ressort de la communication et ce qui est du ressort de l’information. L’information fait la valeur des médias, notamment des médias de masse. Elle a élu domicile dans des espaces et des formats qui lui appartiennent : JT, émissions, reportages. Elle est le fait des seuls journalistes. Clairement séparée de cet espace, la communication est portée par la publicité, territoire des annonceurs.

La communication politique ne doit pas être soumise à la loi du marché publicitaire. Le politique ne doit pas voir son message mis au même niveau qu’un fromage ou un dentifrice. C’est pourquoi, en période de campagne, les partis et candidats ont droit à un espace d’expression libre qui donne le même temps de parole à tous et aménage un espace distinct de la communication des marques et de l’information des journalistes.
Quant à l’Etat, il achète de l’espace publicitaire mais n’a rien à vendre. Sa communication est une mission d’information sur ses propres initiatives (expliquer les réformes du gouvernement) et sur des sujets d’intérêt général (santé publique). En revanche, il n’appartient pas à l’Etat de produire ou d’animer des émissions gouvernementales. Sur le territoire de l’information, l’homme d’Etat se soumet au questionnement du journaliste.…
Coloniser l’espace de l’information avec de la communication, c’est assimiler le citoyen averti au consommateur capricieux qui envisage le monde comme un univers de biens disponibles.

Eviter le mélange des genres entre ‘info’ et ‘com’, c’est perpétuer des repères essentiels à la démocratie dans une société de consommation qui a tendance à niveler les discours et les évènements. Le citoyen a peut-être moins d’ ‘humour’. Mais au moins garde-t-il l’intelligence des symboles qui fondent nos institutions. Et notre histoire ».